Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs)

J’ai entendu parler pour la première fois de ce livre il y a au moins 15 ans ! le titre m’a tout de suite marquée et accrochée. J’ai pris mon temps pour commencer à le lire et quand je m’y suis mise en début d’année, j’étais déjà bien initiée à la communication non violente (CNV), en mode expérimentation active depuis un bout de temps même !
Ce qui n’a rien enlevé à l’intérêt pour moi de le lire !
Bien au contraire, j’ai pu mettre en lien mon vécu avec la réflexion de l’auteur, enrichir, compléter mes connaissances et expériences…
J’ai apprécié la lecture de ce livre, il est très organisé, avec des exemples concrets, des « exercices » pour voir si on a assimilé les concepts et des synthèses régulières des idées principales (en marge au fil du texte et en synthèse en fin de chapitre).

Il est facile de trouver en ligne des résumés du concept, des explications, des articles sur le sujet, je vous ai mis quelques liens en fin d’article. Je mets la quatrième de couverture et juste en dessous les principes de base que Marshall Rosenberg développe dans ce livre, avec ce schéma du bonhomme OSBD que l’on retrouve sous de multiples formes. J’en ai emprunté une qui me plaisait particulièrement pour la partager avec vous.

QUATRIÈME DE COUVERTURE:
Citation :« La communication Non Violente connecte les âmes en s’attachant à leur guérison. C’est l’élément qui fait défaut à ce que nous entreprenons  » Deepak Chopra
Présentation de l’éditeur : La plupart d’entre nous ont été élevés dans un esprit de compétition, imprégnés de préjugés et d’intolérance. Cette éducation nous conduit le plus souvent à une mauvaise compréhension des autres. Elle engendre au quotidien de la colère, des frustrations et des comportements agressifs.
Une communication de qualité avec les autres est une des compétences les plus précieuses qui soit, dans sa vie personnelle comme au travail.
Marshall Rosenberg met ici à notre disposition un outil très simple dans son principe, mais extrêmement puissant dans ses effets : la Communication Non Violente. Découvrez cette méthode accessible pour améliorer votre relation aux autres.

la méthode de la CNV peut être résumée comme un cheminement en quatre temps :
► Observation (O) : décrire la situation en termes d’observation partageable ;
► Sentiment et attitudes (S) : exprimer les sentiments et attitudes suscités dans cette situation
► Besoin (B) : clarifier le(s) besoin(s) ,
► Demande (D) : faire une demande respectant les critères suivants : réalisable, concrète, précise et formulée positivement. Si cela est possible, que l’action soit faisable dans l’instant présent. Le fait que la demande soit accompagnée d’une formulation des besoins la rend négociable.

Face une situation, voici ce que vous pourriez dire façon CNV :
Quand je vois/j’entends [décrire la situation sans juger], je ressens [citer l’émotion ressenti] car j’ai besoin [décrire le besoin] alors je demande [citer l’action qui viendra satisfaire le besoin].

Il existe de nombreuses listes d’émotions et de besoin pour réussir à définir le plus précisément possible ce que l’on ressent, je vous repartage ici celles trouvées dans l’article d’Ariane que je trouve complète :
liste des besoins
liste des sentiments

LA CNV, je l’ai rencontrée à de nombreuses reprises ces dernières années, en formation professionnelle, dans ma réflexion/mes lectures sur l’éducation des enfants, par mes connaissances qui l’utilisent (j’ai l’impression d’en croiser de plus en plus ☺). Petit à petit je l’ai intégrée à ma vie, plus ou moins consciemment, en petit morceaux avec des réussites et des flop ! Et puis je n’ai pas cherché à mettre en application à la lettre non plus. Pour moi, c’est pas un truc qui se fait du jour au lendemain, c’est quelque chose qui s’apprivoise et se construit. Alors lire ce livre était une étape assez logique, un retour aux sources :-), par contre forcément il y avait beaucoup d’éléments que j’avais déjà abordés, d’extraits déjà lus, des exercices déjà faits ! Le lire m’a projetée dans mon vécu, il m’a permis de voir ce que je faisais déjà, sans forcément en avoir conscience et ce que je peux encore faire. Cette lecture m’a aussi « ré-énergisée », remotivée parce que j’y ai lu des constats de résultats similaire à des choses que j’ai vécues, tentées. Du coup les aspects positifs que je constate ne sont plus des hasards mais des possibles : je vois aujourd’hui, avec l’éclairage du livre, le chemin ouvert à venir et celui effectué, à la maison, dans mon couple, avec mes enfants, mais aussi dans mes relations professionnelles. L’ensemble me conforte dans ma posture (aussi expérimentale soit-elle).

LA CNV est un outil de communication mais c’est aussi très personnel, c’est un choix qui m’appartient. Je le fais sans rien attendre de l’autre / des autres, je le fais pour moi, parce que ça me semble être bien, parce que ça me fait être bien. Alors bien sûr, je crois, j’espère que ça aura un impact sur mes relations, sur ma communication. Je souhaite bien sûr qu’il y ait un impact positif, mais la démarche m’appartient, elle correspond à mon regard. L’appliquer dans ma vie ne doit pas être une exigence à l’autre. C’est un chemin que chacun peut choisir ou pas, si il le veut ou peut. Pour ma part, je le choisis avec l’espoir que ça apporte aux autres, mais si ce n’est pas le cas, c’est ok. Par essence, ça ne peut s’imposer.
Ces remarques, ce sont mes mots, mon ressenti mais ce sont des idées que l’on trouve aussi dans le livre, c’est la posture que l’auteur propose, juste racontée de mon point de vue, avec mon regard.
Il y a peu, on m’a fait une observation qui m’a beaucoup émue, sur le fait que pacifier, apaiser était une partie de moi, pas uniquement un fonctionnement que je mettais en place, mais que c’était intrinsèque à ce que je suis…Une fois digéré, je crois que c’est un des plus beaux compliments que l’on pouvait me faire, c’est comme ça que je l’ai accueilli en tout cas.

Un de mes plus anciens souvenirs sur le sujet de la non violence, c’est Le livre de la paix de Bernard Benson que j’ai toujours connu chez mes parents, et que j’ai lu et relu. C’est un beau livre dessiné à la main qui parle de guerre, de paix et de communication, où un sage raconte comment des enfants se sont révoltés contre la violence du monde dans lequel ils vivent.
Livre à propos duquel on m’a dit, « oui mais ce n’est qu’un livre, un idéal, la vie c’est pas comme « , avant l’heure j’entendais qu’on ne vivait pas dans un monde de Bisounours… J’aurais tellement à dire sur cette expression… à la place je vous mets
ci-dessous un texte partagé par ma maman qui rencontre beaucoup cette expression aussi dans sa vie associative et sociale et qui a écrit une réponse... En tout cas chez moi ce principe de non violence est profondément ancré, comme un idéal vers lequel tendre. Pas en mode naïveté, non c’est une réalité à laquelle je crois, en conscience de la violence qui est en gros partout dans la société dans laquelle nous vivons.


J’avoue, j’ai profité de l’écriture de cet article pour racheter le livre d’occasion, retourner confronter mon souvenir… Alors oui ça peut paraître simpliste ce monde qui résout ses problèmes par la parole de quelques uns… et en même temps, c’est quand même ce en quoi je crois profondément qui y est raconté. Et finalement, les constats qui y sont faits sont tellement actuels… Je ne sais pas si c’est effrayant ou porteur d’espoir. Un peu des deux probablement.

Bisounours·e : « on ne vit pas dans un monde de bisounours! », voilà l’ultime argument pour refuser la discussion. C’est bien connu, le/la Bisounours·e est naïf·ve, pas assez endurci·e et trop « doux·ce » pour être adapté·e au monde dur et brutal dans lequel nous vivons. Le monde des bisounours serait un monde idéal, dans lequel la gentillesse prédomine, dans lequel on peut se faire confiance et s’entraider. Finalement moi, il me va bien, ce monde des Bisounours ! En réalité, dans le dessin animé, le monde n’est pas si loin du nôtre et les bisounours·e y travaillent pour agir à leur niveau en utilisant leur gentillesse et une énergie positive. En bref, les Bisounours·e, ce sont des bénévoles associatifs, des militant·e·s prêt·e·s à agir pour le bien commun. Alors oui je revendique haut et fort d’être un·e bisounours·e

Revenons à ce qui m’a intéressée dans l’ouvrage dont je vous ai proposé de parler aujourd’hui. Face à ce que nous vivons, voyons, un enjeu important est celui des choix que nous faisons, et avant tout celui de choisir de choisir plutôt que de subir. Dans Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), l’auteur aborde cette question, il propose un exercice face aux actes difficiles de la vie (p. 187), ceux pour lesquels on aurait tendance à dire « je dois, il faut ». Et si on traduisait « je dois » par « je choisis de » ? trois étapes pour cela !
1) lister nos « je dois »
2) puis les remplacer par des « je choisis de »
3) chercher les intentions derrière ces choix
Quand l’intention est trouvée, on peut être amené à valider nos choix ou à les modifier. Si on valide le choix, même si l’action est difficile, on sait pourquoi on la fait et elle devient plus facile, moins « subie ». C’est un travail, une démarche à mener au quotidien ou presque, mais tellement facilitant.

Cette réflexion fait partie intégrante de mes prestations, elle peut intervenir dans des circonstances différentes : face à ce qu’un groupe estime subir, ou quand il y a une perte de sens, ou quand on démarre un projet. Travailler le pourquoi de chaque action : pour se rappeler que ce que l’on fait, c’est ce que l’on a choisi… .je peux utiliser cette méthode en préalable pour faciliter la mobilisation des participants, ou quand le groupe fait face à une difficulté pour l’aider à retrouver son cap en s’appuyant sur ces « je choisis de » qui rappellent ce à quoi il aspire.

Au delà de cet exemple, si la CNV est partie intégrante de ma posture professionnelle, je ne suis pas du tout professionnelle de la CNV ! Juste je m’appuie dessus, par exemple elle m’a aidée à savoir écouter sans chercher à donner des solutions immédiates à mes interlocuteurs. Vous savez, les conseils qui viennent trop vite, quand on a l’impression de savoir mieux que l’autre ce qu’il devrait faire, alors que ce dont il a surtout besoin c’est qu’on l’écoute ? Moi, j’étais spécialiste de cette attitude… La CNV m’a aidée à en sortir et les bénéfices sont évidents, le temps qu’on prend dans l’écoute et dans la compréhension du besoin et de l’émotion n’est jamais perdu. Cela renforce la confiance avec les partenaires/collègues, l’action qui en découle est plus efficiente. La facilitation globalement, parce qu’elle repose sur une part importante d’écoute, et aussi par le cadre qu’elle propose, qui implique d’être en attention au groupe, de laisser la place à chacun, est reliée aux valeurs que l’on retrouve dans la communication non violente.

ZOOM sur le dernier chapitre que j’ai particulièrement apprécié, il reprend les grands principes de la CNV mais dans un contexte particulier : la gratitude et le remerciement, deux choses qui peuvent paraître simples, évidentes ou anodines mais :

  • Souvent nous voyons plus ce qui ne va pas que ce qui va, et exprimons peu la gratitude,
  • Les remerciements/compliments sont souvent des jugements positifs, qui ont pour objectifs d’influencer, voire de manipuler…
  • Mal exprimés ou en conséquence du constat précédent, ils sont soumis à interprétation et peuvent être vécus comme des critiques, reproches, ou ne pas être entendus,
  • Les recevoir, les apprécier n’est pas si facile et ils entraînent souvent des réactions de fausse modestie ou au contraire des sentiments de supériorité (narcissisme).

La lecture de cette analyse m’a touchée, d’abord parce que je suis dans une phase où j’apprends à célébrer ces moments qui font du bien, à mettre des mots sur la gratitude, à accepter de la ressentir et à l’exprimer. Et aussi, même si les réflexes sont très forts, j’essaye d’accepter les compliments, et si j’en parle ici ce n’est pas juste pour le plaisir de l’analyse. Accepter les compliments, ou simplement les retours positifs, c’est aussi lié à la question de la légitimité, à l’apprentissage de la reconnaissance de sa valeur… Tout plein de sujets très sensibles quand on se lance dans l’entreprenariat.
L’auteur décompose ainsi
le remerciement, celui que l’on fait à l’autre, tel que pensé en CNV :

  • Nommer les actes qui ont contribué à notre bien-être
  • Dire les besoins qui ont été satisfaits par l’autre
  • Dire le sentiment de plaisir ressenti

Autre challenge, accepter le compliment, là aussi on trouve trois étapes :

  • Apprendre à reconnaître ce qu’on a fait
  • Entendre et ressentir le bien-être de l’autre,
  • Savourer

En conclusion, je ne crois pas qu’il y ait une vérité, ou que la CNV soit un remède magique, miraculeux, sans défaut. Pendant que je lisais le livre, j’ai découvert Charles Rojzman et la critique qu’il en fait, les écueils de la CNV qu’il pointe. Il ne s’oppose pas à M.B.Rosenberg, il a préfacé le livre dont je parle aujourd’hui, sa critique est constructive. Je vais lire un de ses livres bientôt, La théraphie sociale, il est dans mon étagère, là, à côté de moi, tout près de La force de la non violence de Judith Butler… encore quelques heures de lectures pour lesquelles je vais devoir libérer du cerveau !!

Ce qui m’importe vraiment c’est de trouver l’équilibre, le croisement des regards, des idées. En ce sens, la CNV me semble un outil incroyable, d’une part par la réflexion qu’elle propose sur la posture que l’on a face aux autres, sur l’analyse nécessaire de ce que nous voulons réellement, et d’autre part par la prise de recul sur soi, l’exercice d’honnêteté vis à vis de nous même qu’elle demande.

D’autres ressources pour réfléchir autour de la Communication non violente

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